Huitième série

 

Huitième série

 

À une jeune monitrice du Département d'éducation physique.  

 

Douce Mère,

Quelle est la différence entre : changement psychique et changement spirituel?

 

Le changement psychique est celui qui vous met en rapport avec !e Divin immanent, le Divin qui est au centre de chaque être et dont l'être psychique est le revêtement et l'expression. Par le changement psychique on passe du Divin individuel au Divin universel et finalement au Transcendant.

Le changement spirituel vous met directement en contact avec le Suprême.

Le 9 septembre 1959 

Douce Mère,

Comment peut-on faire grandir notre personnalité psychique ?

 

C'est à travers toutes les expériences de la vie, que la personnalité psychique se forme, grandit, se développe et finalement devient un être complet, conscient et libre.

Ce processus de développement se continue inlassablement à travers des vies innombrables et si l'on n'en est pas conscient, c'est parce qu'on n'est pas conscient de son être psychique. Car c'est cela le point de départ indispensable. Par intériorisation et concentration on doit entrer en rapport conscient avec son être psychique Cet être psychique a toujours une influence sur l'être extérieur, mais presque toujours cette influence est occulte, m vue, m perçue, ni sentie, excepté dans des occasions tout à tait exceptionnelles.

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Pour fortifier le contact et aider si possible au développement de la personnalité psychique consciente, il faut, en se concentrant, se tourner vers elle, aspirer à la connaître et à la sentir, s'ouvrir pour recevoir son influence et prendre grand soin, chaque fois qu'on reçoit d'elle une indication, de la suivre très scrupuleusement et très sincèrement. Vivre dans une grande aspiration, prendre soin de devenir calme intérieurement et de le rester toujours autant que possible, et cultiver une sincérité parfaite dans toutes les activités de son être — voilà les conditions essentielles pour la croissance de l'être psychique.

Le 10 septembre 1959 

Douce Mère,

Comment tirer de l'énergie en soi du dehors ?

 

Cela dépend du genre d'énergie que l'on veut absorber, car à chaque région de l'être, correspond un genre d'énergie. Si c'est l'énergie physique, c'est principalement par la respiration que nous l'absorbons et tout ce qui facilite et améliore la respiration augmente en même temps l'absorption de l'énergie physique.

Mais il y a beaucoup d'autres genres d'énergies ou plutôt beaucoup d'autres formes de l'Énergie qui est une et universelle.

Et c'est par les divers exercices yoguiques de respiration, de méditation, de japa et de concentration que l'on se met en rapport avec ces formes diverses de l'Énergie.

Le 10 septembre 1959 

Douce Mère,

Quelles sont ces autres formes de l'Énergie et comment est-ce qu'elles nous aident dans notre sâdhanà?

 

Chaque région de l'être et chaque activité a ses énergies. On peut les classer de façon générale en énergies vitales, énergies mentales, énergies spirituelles. La science moderne nous dit que la matière n'est, en dernière analyse, que de l'énergie condensée.

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Notre yoga étant intégral, toutes ces diverses formes ou espèces d'énergie sont indispensables à notre réalisation.

Le 12 septembre 1959  

Douce Mère.

Que veut dire : ' 'une prolongation physique subtile de la forme superficielle de l'enveloppe mentale¹" ?

 

Cela veut dire que le fantôme que l'on voit et que l'on prend à tort pour l'être trépassé lui-même, n'est qu'une image de lui, une empreinte (comme une empreinte photographique) que la forme mentale superficielle a laissée dans le physique subtil, image qui peut devenir visible sous certaines conditions. Ces images peuvent être mobiles (comme des images de cinéma) mais elles n'ont pas de réalité substantielle. C'est la peur ou l'émotion de ceux qui voient ces images qui leur donnent parfois l'apparence d'un pouvoir ou d'une action qu'elles ne possèdent pas en elles-mêmes. D'où la nécessité de ne jamais avoir peur et de Ses reconnaître pour ce qu'elles sont : une apparence trompeuse.

Le 14 septembre 1959 

Douce Mère,

Comment faire taire le mental, rester tranquille, et en même temps avoir une aspiration, une intensité ou un élargissement? Parce que, dès qu'on aspire, c'est "le mental qui aspire", n'est-ce pas ?

 

Non, l'aspiration, de même que l'élargissement et l'intensité, viennent tous du cœur, du centre émotif, porte du psychique ou, plutôt, menant au psychique.

 

¹Sri Aurobindo, La Vie Divine.

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Le mental est, dans sa nature, curieux, intéressé, il regarde, il observe, il essaye <je comprendre et d'expliquer et, avec toute cette activité, il dérange l'expérience et nuit à son intensité et à sa force.

Plus il est tranquille et silencieux, plus, au contraire, l'aspiration peut monter des profondeurs du cœur dans la plénitude de son ardeur.

Le 17 septembre 1959

 

Douce Mère,

Comment peut-on éliminer la volonté de l'ego ?

 

Cela revient à demander comment éliminer l'ego. C'est seulement par le yoga qu'on peut le faire. Il y a eu, à travers l'histoire spirituelle de l'humanité, beaucoup de méthodes de yoga — que Sri Aurobindo nous décrit et nous explique dans La Synthèse des Yogas.

Mais avant d'éliminer la volonté de l'ego, ce qui prend fort longtemps, on peut commencer par soumettre la volonté de l'ego à la Volonté divine à chaque occasion et, finalement, de façon constante. Pour cela, le premier pas est de comprendre que le Divin sait mieux que nous ce qui est bon pour nous et ce dont nous avons vraiment besoin, non seulement pour notre progrès spirituel, mais aussi pour notre bien-être matériel, pour la santé de noire corps et le bon fonctionnement de toutes les activités de notre être.

Bien entendu, ce n'est pas l'opinion de l'ego qui croit mieux savoir que quiconque ce qu'il lui faut, et qui réclame son indépendance de jugement et de décision. Mais il pense et sent comme cela parce qu'il est ignorant, et peu à peu, il faut le convaincre que sa perception et sa connaissance sont trop limitées pour qu'il puisse vraiment savoir et qu'il juge seulement selon ses désirs qui sont aveugles et non selon la vérité.

Car les désirs ne sont pas l'expression des besoins mais des préférences.

Le 19 septembre 1959

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Douce Mère,

Pourquoi le Divin a-t-il fait son chemin si difficile? Il peut le faire plus facile s'il le veut, n'est-ce pas ?

 

Tout d'abord il faut savoir que l'intellect, le mental, ne peut rien comprendre du Divin, ni à ce qu'il fait, ni comment Il le fait CE encore moins pourquoi Il le fait. Pour savoir quelque chose du Divin, Il faut s'élever au-dessus de la pensée et entrer dans la conscience psychique, la conscience de l'âme, ou dans la conscience spirituelle.

Ceux qui en ont fait l'expérience, ont toujours dit que les difficultés et les souffrances du chemin ne sont pas réelles, mais une création de l'ignorance humaine et que dès qu'on sort de cette ignorance, on sort aussi des difficultés, sans parler de l'état de béatitude inaliénable dans lequel on se trouve dès qu'on est en contact conscient avec le Divin.

Donc, selon eux, la question n'a pas de base réelle et ne peut pas être posée.

Le 21 septembre 1959 

Douce Mère,

Tu m'avais écrit que pour "entrer en rapport conscient avec son être psychique, il faut aspirer à le connaître et à le sentir, s'ouvrir pour recevoir son influence, et prendre grand soin de le suivre très scrupuleusement et très sincèrement." Mais, Douce Mère, je ne sais pas comment le faire. Je trouve plus facile quand je pense à toi, et que j'essaye d'entrer en rapport avec toi, et de m'ouvrir à toi.

 

Ceci aussi est un moyen qui est certainement aussi bon que l'autre.

Il y a de nombreux chemins pour atteindre à la réalisation de soi, et chacun choisit celui qui lui vient le plus naturellement.

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Mais chaque moyen a ses exigences pour être vraiment efficace.

En pensant à moi, ce n'est pas seulement à la personne extérieure que tu dois penser, mais à ce qu'elle représente, à ce qui se tient derrière elle. Car il ne faut jamais oublier que la personne extérieure n'est que la forme et le symbole d'une Réalité éternelle, et à travers l'apparence physique c'est à celte Réalité supérieure qu'il faut s'adresser. L'être physique ne pourra devenir vraiment expressif de la Réalité éternelle que lorsqu'il sera complètement transforme par la manifestation supramental. Et jusque-là, c'est à travers lui qu'il faut trouver la Vérité.

Le 22 septembre 1959 

Douce Mère,

Est-ce que c'est possible d'avoir un contrôle sur soi pendant le sommeil ? Si, par exemple, je veux te voir dans mes rêves, est-ce que je peux le faire exprès ?

 

Le contrôle pendant le sommeil est tout à fait possible et il est progressif si on persiste dans l'effort. On commence par se souvenir de ses rêves, puis, peu à peu, on demeure de plus en plus conscient pendant son sommeil et non seulement on peut contrôler ses rêves, mais on peut diriger et organiser ses activités dans le sommeil.

Si tu persistes dans ta volonté et dans tes tentatives, tu es sûre d'apprendre à venir me trouver la nuit pendant ton sommeil et ensuite de le souvenir de ce qui s'est passé.

Pour cela deux choses sont nécessaires que tu dois développer par l'aspiration et par l'effort calme et persistant.

1 ) Concentrer ta pensée sur la volonté de venir me trouver et, d'abord par un effort d'imagination, ensuite de façon tangible et de plus en plus réelle, suivre cette pensée jusqu'en ma présence.

2) Établir une sorte de pont entre la conscience de veille et la conscience de sommeil, afin qu'en se réveillant on se souvienne de ce qui s'est passé.

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Il se peut qu'on réussisse immédiatement, le plus souvent cela prend un certain temps et il faut persister dans la tentative.

Le 25 septembre 1959  

Douce Mère,

Quel est le rôle de l'âme ?

 

Mais, sans âme, nous n'existerions pas!

L'âme, c'est ce qui sort du Divin sans jamais Le quitter, et revient au Divin sans cesser manifeste.

L'âme, c'est le Divin fait individu sans cesser d'être

Dans l'âme, l'individu et le Divin sont un éternellement ; ainsi trouver son âme c'est trouver Dieu ; s'identifier à son âme c'est s'unir au Divin.

On peut donc dire que le rôle de l'âme est de faire de l'homme un être véritable.

Le 29 septembre 1959 

Douce Mère,

Est-ce qu'il y a quelque chose comme "la bonne chance" et "lu mauvaise chance", ou est-ce que c'est quelque chose qu'on crée pour soi-même ?

 

Il n'existe rien qu'on puisse vraiment appeler chance. Ce que les hommes appellent chance ce sont des effets dont ils ne connaissent pas les causes.

Il n'y a rien non plus qui soit en soi-même une bonne ou une mauvaise chance, chacun qualifie de bonnes ou de mauvaises les circonstances selon qu'elles lui sont plus ou moins favorables ; et cette appréciation elle-même est très superficielle et ignorante, car il faut être déjà un grand sage pour savoir ce qui est vraiment favorable, ou non, pour soi-même.

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De plus, le même événement peut être très bon pour l'un et, en même temps, très mauvais pour un autre. Ces appréciations sont purement subjectives et dépendent de la réaction de chacun aux contacts venant du dehors.

Finalement, les circonstances de notre vie, le milieu dans lequel nous vivons, et la manière d'être des gens à notre égard, sont l'expression, la projection objective de ce que nous sommes nous-mêmes, au-dedans et au-dehors. On peut donc dire d'une façon certaine, que ce que nous portons en nous-mêmes dans tous nos états d'être, mentalement, vitalement et physiquement, c'est cela qui constitue notre vie objectivée dans ce qui nous entoure.

Et ceci est facilement vérifiable, car à mesure que nous faisons des progrès et que nous avançons vers la perfection, les circonstances aussi progressent.

De même, pour ceux qui dégénèrent et reculent, les circonstances de leur vie aussi se détériorent.

Le 5 octobre 1959 

Douce Mère,

Qu'est-ce que tu nous donnes le matin, au balcon¹ ; et qu'est-ce que nous devons essayer de faire pour recevoir ce que tu nous donnes ?

 

Tous les matins, au balcon, après avoir établi un contact conscient avec chacun de ceux qui sont présents, je m'identifie au Seigneur Suprême et me fonds complètement en Lui. Alors mon corps, complètement passif, n'est plus qu'un canal à travers lequel le Seigneur fait passer librement Ses forces et déverse sur tous Sa Lumière, Sa Conscience et Sa Joie, selon la réceptivité de chacun.

La meilleure façon de recevoir ce qu'il donne est de venir au balcon avec confiance et aspiration et de se tenir là aussi calme et tranquille

 

¹À cette époque, Mère, chaque matin, se tenait un moment à son balcon au-dessus de la rue, où se rassemblaient les sâdhaks.

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que l'on peut dans une attente silencieuse et passive. Si l'on a quelque chose de précis à demander, il vaut mieux le faire avant, pas au moment où je suis là ; parce que toute activité diminue la réceptivité

Le 12 octobre 1959  

Douce Mère,

Que veut dire "le silence de la conscience physique¹", et comment se tenir dans ce silence ?

 

La conscience physique est non seulement la conscience de notre corps, mais aussi de tout ce qui nous entoure, de tout ce que nous percevons avec nos sens. C'est une sorte d'appareil d'enregistrement et d'émission, ouvert à tous les contacts et tous les chocs venant du dehors et répondant à ces contacts par des réactions de plaisir et de peine qui accueillent ou qui repoussent. Cela fait une activité et un bruit constants dans notre être extérieur dont nous ne sommes que partiellement conscients tant nous y sommes habitués.

Mais si par la méditation ou la concentration nous nous tournons vers le dedans ou vers le haut, nous pouvons faire descendre en nous ou faire surgir des profondeurs, le calme, la tranquillité, la paix et finalement le silence. C'est un silence concret, positif (pas le silence négatif de l'absence de bruit), immuable tant qu'il est présent, un silence que l'on peut éprouver même dans le tumulte extérieur d'un ouragan ou d'un champ de bataille. Ce silence est synonyme de paix et il est tout puissant ; c'est le remède parfaitement efficace de la fatigue, la tension, l'épuisement provenant de cette suractivité et de ce bruit intérieurs qui généralement échappent à notre contrôle et ne cessent ni jour, ni nuit.

C'est pourquoi la première chose requise quand on veut faire le Yoga est de faire descendre et d'établir en soi le calme, la paix, le silence.

Le 15 octobre 1959  

¹Sri Aurobindo, La Vie Divine.

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Douce Mère,

Comment peut-on entrer dans les sentiments d'une musique jouée par quelqu'un d'autre ?

 

De la même façon que l'on peut partager les émotions d'une autre personne, par sympathie, spontanément, par une affinité plus ou moins profonde, ou bien par un effort de concentration qui aboutit à l'identification. C'est ce dernier procédé que l'on adopte quand on écoute la musique avec une attention intense et concentrée, au point d'arrêter tout autre bruit dans !a tête et d'obtenir un silence complet, dans lequel tombent goutte à goutte les notes de la musique dont seul le son demeure ; et avec le son, tous les sentiments, tous les mouvements d'émotion peuvent être perçus, éprouvés, ressentis comme s'ils se produisaient en nous-mêmes.

Le 20 octobre 1959  

Douce Mère,

Comment distinguer entre le bon et le mauvais dans un rêve ?

 

En principe, pour juger des activités du sommeil la même capacité de discernement est nécessaire que pour juger des activités de veille.

Mais comme l'on donne généralement le nom de "rêve" à un nombre considérable d'activités qui diffèrent totalement les unes des autres, le premier point est d'apprendre à distinguer entre ces diverses activités, c'est-à-dire à reconnaître quelle est la partie de t'être qui "rêve", dans quel domaine on "rêve" et quelle est la nature de cette activité. Dans ses lettres, Sri Aurobindo a donné des explications et des descriptions très complètes et très détaillées de toutes les activités du sommeil. La lecture de ces lettres est une bonne introduction à l'étude de ce sujet et à son application pratique.

Le 2 novembre 1959

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Douce Mère,

Comment est-ce qu'on doit lire tes livres, et les livres de Sri Aurobindo, pour qu'ils entrent dans notre conscience, au lieu de les comprendre seulement avec le mental?

 

Lire mes livres n'est pas très difficile parce qu'ils sont écrits dans le langage le plus simple, presque le langage parlé. Pour en tire profit, il suffit de les lire avec attention et concentration et une attitude de bonne volonté intérieure avec le désir de recevoir et de vivre ce qui est enseigné.

Lire ce que Sri Aurobindo écrit est plus difficile parce que l'expression est hautement intellectuelle et le langage est beaucoup plus littéraire et philosophique. Le cerveau a besoin d'une préparation pour pouvoir vraiment comprendre et généralement cette préparation prend du temps, à moins qu'on ne soit spécialement doué d'une faculté intuitive innée.

En tout cas, je conseille toujours de lire peu à la fois, en gardant le mental aussi tranquille que l'on peut, sans faire des efforts pour comprendre, mais en gardant la tête aussi silencieuse que possible, et en laissant entrer profondément la force contenue dans ce que l'on lit. Cette force reçue dans le calme et le silence fera son œuvre de lumière et créera, au besoin, dans le cerveau les cellules nécessaires à la compréhension. Ainsi, quand on relit la même chose quelques mois après on s'aperçoit que la pensée exprimée est devenue beaucoup plus claire et proche, et même parfois tout à fait familière.

Il est préférable de lire régulièrement, un peu tous les jours, et à heure fixe si possible ; cela facilite la réceptivité cérébrale.

Le 2 novembre 1959  

Douce Mère,

Pourquoi la méditation devant tes photos différentes donne une expérience différente ?

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C'est parce que chaque photo représente un différent aspect, parfois même une différente personnalité de mon être ; et en se concentrant sur la photo on entre en relation avec cet aspect spécial ou cette personnalité différente qu'elle a saisie et dont elle porte en elle-même la représention,

La photo est une présence réelle et concrète, mais fragmentaire et limitée.

Le 4 novembre 1959 

Douce Mère,

Pourquoi la photo est-elle une présence fragmentaire et limitée ?

 

Parce que la photo ne prend que l'image d'un moment, d'un instant de l'apparence d'une personne et de ce que cette apparence peut révéler d'une condition psychologique fugitive et d'un état d'âme fragmentaire. Même si la photographie est prise dans les meilleures conditions possibles à un moment exceptionnel et particulièrement expressif, elle ne peut, en aucune façon, reproduire toute la personnalité.

Le 5 novembre 1951 

Douce Mère.

Qu 'est-ce que c'est exactement — le subconscient et l'inconscient ?

 

L'inconscient est cette partie de la Nature qui est si obscure et si endormie qu'elle semble être complètement dépourvue de conscience, en tout cas, comme dans la pierre, le règne minéral, la conscience y est totalement inactive et cachée. L'histoire de la terre commence avec cette inconscience.

Nous la portons aussi en nous, dans la substance de notre corps, puisque la substance de notre corps est identique à celle de la terre.

Mais par l'évolution, la conscience endormie et cachée s'éveille peu à peu à travers les règnes végétal et animal,

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et en eux commence la subconscience qui aboutit, avec l'apparition du mental dans l'homme, à la conscience. Cette conscience aussi est progressive et à mesure que l'homme évolue, elle se changera en supraconscience.

Nous portons donc en nous-mêmes aussi la subconscience qui nous rattache à l'animal, et la supraconscience qui est notre espoir et notre assurance de réalisation future.

Le 7 novembre 1959 

Douce Mère,

Qu'est-ce qu'on doit essayer de faire quand on médite avec fa musique au Terrain de Jeux ?

 

Cette musique a pour but d'éveiller certains sentiments profonds.

Pour l'écouter il faut donc se rendre aussi silencieux et passif que possible. Et si, dans le silence mental une partie de l'être peut prendre l'attitude du témoin qui observe sans réagir ni participer, alors on peut se rendre compte de l'effet que la musique produit sur les sentiments et les émotions ; et si elle produit un état de calme profond et de semi-transe, alors c'est tout à fait bien.

Le 15 novembre 1959 

Douce Mère,

Quel est le travail du "Surmental¹" ?

 

Le surmental est la région des dieux, des êtres d'origine divine qui ont été chargés de surveiller, de diriger et d'organiser l'évolution de l'univers; et plus spécialement après la formation de la terre, ils ont servi de messagers et d'intermédiaires pour apporter à la terre l'aide des régions

 

¹Cette question, et les trois suivantes, portant sur certains termes employés par Sri Aurobindo dans La Vie Divine, notamment dans les derniers chapitres.

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supérieures et pour présider à la formation du mental et à son ascension progressive. C'est généralement aux dieux du surmental que s'adressent les prières des diverses religions qui le plus souvent choisissent pouf des raisons diverses l'un de ces dieux et le transforment pour leur usage personnel en Dieu suprême.

Dans l'évolution individuelle, il faut développer en soi-même une zone correspondant au surmental et une conscience surmentale, avant de pouvoir s'élever au-dessus, vers le Supramental, ou de s'ouvrir à lui.

La presque totalité des systèmes et des disciplines occultes visent au développement et à la maîtrise du surmental.

Le 27 novembre 1959 

Douce Mère,

Que veut dire "une zone correspondant au surmental" et comment le développer en soi? Que veut dire "la maîtrise du surmental" ?

 

L'être individuel est constitué d'états d'être correspondant aux zones ou plans cosmiques. Et c'est à mesure que ces états d'être intérieurs se développent que l'on devient conscient de ces domaines. Cette conscience est double, d'abord psychologique et subjective, en soi-même, se traduisant par des pensées, des sentimems, des émotions, des sensations ; puis objective et concrète, quand on devient capable de s'extraire des limites du corps pour se mouvoir dans les diverses régions cosmiques, en prendre conscience et y agir librement — c'est cela que l'on appelle "la maîtrise" ; c'est cela dont je parle quand je mentionne la maîtrise du surmental.

Il va sans dire que tout cela ne se fait pas en un jour, ni même en une année. Cette maîtrise, dans quelque domaine que ce soit, vital, mental, surmental, demande des efforts assidus et une grande concentration. Ces maîtrises-là ne sont pas plus faciles que la maîtrise du inonde physique ;  

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et tout le monde sait combien de temps et d'efforts Il faut pour apprendre seulement les choses indispensables à la bonne conduite de sa vie, sans même parler ici de "maîtrise" qui est vraiment sur terre une chose exceptionnelle.

Le 28 novembre 1959  

Douce Mère,

Qu'est-ce que la Supranature?

 

La Supranature est la Nature supérieure à la Nature matérielle ou physique, ce que l'on appelle généralement "la Nature", Mais cette nature que nous voyons, sentons et étudions, cette nature qui est notre environnement familier depuis notre naissance sur la terre, n'est pas Sa seule. Il y a une nature vitale, une nature mentale, et ainsi de suite. C'est cela qui, pour la conscience ordinaire, est la Supranature.

Très souvent le mot Nature est employé en synonyme de Prakriti, la force exécutive de Pourousha. Mais pour répondre de façon plus précise, il faudrait avoir le contexte pour savoir à quelle occasion Sri Aurobindo a parlé de la Supranature.

Le 15 décembre 1959  

Douce Mère,

Sri Aurobindo a écrit dans La Vie Divine ; "Il n'y a encore aucun être surmental ni aucune nature surmentale organisée, aucun être supramental ni aucune nature Douce organisée, qui agisse soit sur les parties superficielles de notre être, soit dans ses parties subliminales normales. " Douce Mère, maintenant, après la descente du Supramental¹, est-ce qu'il y en a?

 

¹Le 29 février 1956 eut lieu ce que la Mère appela :la  manifestation du Supramental sur la terre" : "Alors la Lumière, la Force et la Conscience supramentales se répandirent en flots ininterrompus sur la terre." (Entretiens 1956) 

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Ce que Sri Aurobindo veut dire c'est que seuls quelques êtres exceptionnels qui n'appartiennent pas à l'humanité ordinaire ont un être surmental et une vie surmentale conscients et organisés et encore moins nombreux sont ceux qui ont un être supramental et une vie Douce organisés, en admettant même qu'il y en ait. Certainement la toute récente descente des premiers éléments du Aurobindo dans l'atmosphère terrestre (pas encore tout à fait 4 ans) ne peut pas avoir changé cet état de chose.

Nous ne sommes encore que dans une période de préparation.

Le 18 décembre 1959 

Douce Mère,

Que veut dire le yoga de la dévotion et le yoga de la connaissance ?

 

Le yoga de la connaissance est le chemin qui mène au Divin par la recherche exclusive de la Vérité pure et absolue.

Le yoga de la dévotion est le chemin qui mène à l'union avec le Divin par l'amour parfait, total et éternel.

Dans le yoga intégra! de Sri Aurobindo, les deux se combinent avec le yoga des œuvres et le yoga de la perfection de soi et font un tout homogène pour aboutir au yoga de la réalisation supramentale

Le 5 février 1960  

Douce Mère,

Qu'est-ce que c'est que les "facultés suprêmes" ?

 

Il est difficile de répondre sans avoir le contexte. De quelles "facultés suprêmes" est-il question ici ? Sont-ce celles de l'homme en voie de devenir surhomme, ou sont-ce celles que possédera l'être supramental quand il apparaîtra sur la terre ? Dans le premier cas, ce sont les facultés qui se développent dans l'homme à mesure qu'il s'ouvre au mental supérieur et au surmental, et qu'à travers ces régions, il reçoit la lumière de la Vérité.  

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Ces facultés sont alors non pas une expression directe de la suprême Vérité, mais sa traduction, sa réflexion indirecte. Parmi ces facultés on peut signaler l'intuition, la prévision, la connaissance par identification et certains pouvoirs comme celui de guérir et, dans une certaine mesure, d'agir sur les circonstances.

S'il s'agit des "facultés suprêmes" de l'être supramental, nous ne pouvons guère en parler, car tout ce que nous pourrions en dire pour le moment appartiendrait plus au domaine de l'imagination qu'à celui de la connaissance, puisque cet être supramental n'est pas encore manifesté sur terre.

Le 23 avril I960  

Douce Mère,

Quelles sont "les différentes divisions psychologiques de l'être humain" ?

 

Ces divisions sont seulement arbitraires. Elles ont été fixées dans le but de faciliter l'étude de la nature humaine, et surtout pour constituer une base définie pour les diverses méthodes de développement et de discipline de soi. C'est pourquoi chaque système philosophique, éducatif ou yoguique a, pour ainsi dire, sa propre division basée sur l'expérience de son fondateur. Pourtant, malgré ces divergences, il y a une sorte de tradition qui. derrière les termes différents, crée une analogie essentielle. Cette analogie peut être exprimée par une quaternaire : le physique, le vital, le mental et le psychique, ou âme.

Sri Aurobindo a écrit sur ce sujet en grands détails, dans certaines de ses lettres, dans La Synthèse des Yogas et dans les Essais sur la Guîtâ.

Le 30 mai I960  

Douce Mère.

Est-il possible d'avoir une conception correcte du Divin ?  

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Aucune conception du Divin ne peut être correcte; car !es conceptions sont des activités mentales, et nulle activité mentale n'est apte à manifester le Divin.

C'est seulement par expérience qu'on peut Le connaître et l'expérience ne peut pas se traduire en mots.

Le 20 juin I960

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